Axes de recherche du DEC

Axe 1 – Mutations socio-économiques et recompositions politiques

Bergers d’Ersal (nord Bekaa) (crédits photo : Emma Aubin-Boltanski)

La question des transitions politiques en lien avec les dynamiques et sociales est centrale pour comprendre et analyser les mutations récentes de la région.

Cette question est aujourd’hui traitée principalement par l’un des axes de recherche de l’ANR SHAKK qui s’intéresse aux questions de recompositions politiques en Syrie depuis 2011, ainsi qu’aux différentes formes d’engagement politiques, sociales et économiques des Syriens au Liban. Le DEC développe encore un programme IEA New interrogeant l’origine des mutations contemporaines du politique en Afrique australe et au Moyen-Orient. L’inscription de ces questionnements dans une perspective historique vise à apporter une connaissance renouvelée sur des objets classiques comme les partis ou les élections, et sur des formes plus inédites d’engagement qui se déploient dans la région depuis une décennie.

En continuité des travaux engagés sur les mondes du travail ou sur les politiques publiques, plusieurs recherches sont poursuivies sur l’économie politique de la région. Le programme ANR PRECARités et le séminaire qui lui est attaché (2022-2023), proposent d’observer, documenter et analyser la crise multisectorielle que connait le Liban face à l’effondrement sans précédent du système bancaire, l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 et la pandémie de la COVID 19.  En Palestine, des recherches sont menées sur les zones franches dans une perspective comparative internationale. Le programme La Jordanie au présent explore la Jordanie contemporaine à travers ses dynamiques politiques, sociales, économiques, culturelles et religieuses. Enfin, le DEC est associé à un programme régional SUBLIME, soutenu par l’ANR (2023-2027), sur la levée des subventions au Maghreb et au
MoyenOrient, sous l’angle de l’analyse des transformations de l’État et des protections sociales après les soulèvements arabes.

Axe 2 – Villes, environnement et mutations spatiales

Camp de Mar Elias

Les recherches menées sur les villes de la région témoignent d’un intérêt continu des chercheurs du DEC pour cette thématique. On les retrouve dans les travaux de l’ANR SHAKK sur la destruction des villes en Syrie, dans l’ANR Precar sur les mutations affectant la propriété foncière et les dynamiques socioéconomiques de quartiers au Liban. En dehors de ces importants projets, la recherche sur la ville s’organise autour de deux pôles : l’Observatoire urbain du Proche-Orient et le partenariat entre l’Ifpo et l’AFD.

  • Observatoire urbain du Proche-Orient (OUPO)

Les recherches menées dans le cadre de l’OUPO portent actuellement tant sur les problématiques de l’habitat, de la consommation, que des économies de la ville en passant par la question de la place croissante qu’occupent les réfugiés et les migrants dans les espaces urbains, mais encore sur les représentations de la ville. Lieux de partenariats renouvelés et originaux, les questions urbaines favorisent le dialogue du DEC avec des acteurs non-académiques co-produisant dans Hiwar al-madina un savoir partagé. Plus encore, de l’histoire de la ville en Irak, en passant par des inventaires raisonnés du patrimoine au Liban, les études urbaines demeurent un nœud épistémologique original porté par le DEC et répondant à une forte demande de connaissance.

  • Le partenariat AFD/Ifpo : Villes et crises– Les modes d’habiter et d’accès aux services essentiels des populations vulnérables et réfugiées dans les villes au Liban et en Jordanie (2018-2021)

Ce partenariat comprend un volet recherche qui a étudié le coût social, économique et environnemental de l’afflux de réfugiés syriens pour les villes d’accueil et les recherches menées par deux doctorantes financées sur 3 ans. À Beyrouth, les recherches de Rouba Wehbé portent sur les parcours résidentiels de Syriens réfugiés au Liban, en analysant leurs modalités d’accès au logement dans leur ville d’origine en Syrie. En Jordanie, les recherches menées par Héloïse Peaucelle se concentrent sur l’accès, formel et informel, aux services de base (eau, énergie, déchets) et au logement pour les populations vulnérables, ces dernières devant par endroits cohabiter à plusieurs familles dans des logements surpeuplés. Les recherches engagées à travers ce partenariat visent ainsi à déterminer dans quelle mesure la crise syrienne a renforcé les dysfonctionnements sur les services urbains et quelles sont les stratégies d’adaptation des ménages, au regard du rôle des autres acteurs concernés. Elles questionnent enfin le lien entre inégalités/équité d’accès aux services et cohésion sociale entre différents groupes de population, vulnérables en milieu urbain, réfugiés (Palestiniens, Irakiens et Syriens), comme travailleurs immigrés (Égyptiens et Asiatiques). Le partenariat comporte aussi une composante d’expertise dans des domaines plus larges, sui seront effectuées par des chercheurs associés au département ainsi que des universitaires libanais et jordaniens.

Les recherches de cet axe répondent aux exigences d’excellence attendues autour des études urbaines, mais aussi aux demandes d’expertise et d’application des résultats scientifiques. Elles doivent connaitre l’ouverture de nouveaux fronts originaux autour des problématiques environnementales.

Axe 3 – Migrations, conflits et réfugiés

Quincaillerie ambulante dans la Bekaa 2018-03-06 (crédits photo : Emma Aubin-Boltanski)

La thématique des migrations, comme celle de la ville, si on les retrouve dans différents programmes de l’Ifpo, font l’objet de questionnements propres, soit en lien avec les économies des sociétés d’accueil, soit en lien avec les conflits qui génèrent des flux importants de réfugiés. Les migrations font l’objet de très nombreuses recherches depuis le milieu des années 1970, avec un intérêt pour l’émigration vers le pays du Golfe ou les conséquences des migrations dans les espaces d’origines. Plus récemment, des recherches se développent, sur les mutations des politiques d’accueil, sur les formes d’installation en milieu urbain ou rural, ou sur la compréhension des ressorts de la mobilité elle-même.

L’ANR SHAKK propose d’analyser les fractures provoquées par la guerre (dues aux morts, aux destructions et à l’exode massif, ainsi qu’aux positionnements différenciés des individus dans le conflit) et les tentatives de restructuration opérées en exil, dans les pays d’accueil des réfugiés au Proche-Orient (Liban, Jordanie, Turquie) et en Europe (notamment en Suède et en Allemagne).

C’est dans cet axe également que s’inscrit la participation du DÉC au programme européen MAGYC – Migration Governance and Asylum Crises, qui s’intéresse à la manière dont les politiques migratoires européennes sont influencées par les crises politiques liées aux migrations. La contribution de l’Ifpo porte sur une analyse diachronique des mouvements de réfugiés au Proche-Orient, des politiques d’entrée et d’accueil mises en place par la Jordanie et le Liban, comme la production d’une histoire par le bas de la crise syrienne.

Axe 4 – Productions culturelles, archives et mémoires

Pièce de théâtre (crédits photo : © Khashabi Ensemble)

Depuis 2018, la question des productions culturelles comme élément de compréhension des sociétés moyen-orientales contemporaine est de nouveau inscrite dans l’agenda de recherche du DÉC.

Cet axe a d’abord été installé dans les Territoires Palestiniens, autour d’un premier projet sur l’histoire et la mémoire du théâtre palestinien. Depuis 2020, des travaux se sont également développés en Jordanie avec un travail de fond sur l’histoire culturelle contemporaine du royaume. Il s’agit notamment d’interroger l’insertion d’une scène artistique locale dans un réseau de création transrégional. En collaboration avec des chercheurs du DEAMM, des recherches sont en cours sur l’apparition d’une nouvelle génération de Hākawātī (conteurs populaires) en Jordanie et en Palestine. A la croisée de la littérature populaire et des arts performatifs, cette pratique, jusqu’alors perdue, permet de questionner les logiques artistiques à l’œuvre dans la réappropriation d’un patrimoine et d’une archive littéraire par des jeunes artistes contemporains.

La place des archives dans la recherche contemporaine en sciences sociales reçoit un éclairage multisitué dans le cadre du projet Politics of archiving né de la collaboration entre institutions libanaises, palestiniennes et sud-africaines. Des enquêtes questionnent le rôle du chercheur par rapport à son archive, celui des institutions dans la constitution de la documentation et souligne les incidences politiques du fait de conserver et exposer la documentation.

L’Ifpo est également partenaire du programme de recherche MisSMO « Missions chrétiennes et sociétés au Moyen-Orient : organisations, identités, patrimonialisation (XIXe-XXIe siècles) » . L’objectif de ce programme de recherche est de situer les missions au regard des évolutions culturelles et sociales qui ont traversé le Moyen-Orient, de la modernité ottomane jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit d’analyser le phénomène missionnaire à l’échelle régionale, et non plus seulement aux échelles nationale ou locale. Marie Levant, post-doctorante Marie Curie, conduit dans ce sens, de nouvelles recherches.

Enfin, la thématique des villes en guerre, du patrimoine en danger, et de leurs protections ont conduit à toute une série de manifestations et travaux. Reprenant des analyses développées dans le cadre de l’Observatoire de l’urbain du Proche-Orient, le thème du patrimoine moderne, de ses usages et de sa préservation, s’impose de plus en plus. La présence d’Etienne Coppé permet de renforcer le dispositif de recherche autour de cette thématique transversale.

Axe méthodologique : Faire des sciences sociales en contexte de conflit

Il s’agit de positionner le DÉC comme plateforme pour une meilleure compréhension de l’historicité et de la pratique des SHS, telles qu’elles se sont construites et développées dans les sociétés proche-orientales. Nos travaux montrent comment les dispositifs et pratiques de la recherche en contexte de guerre ou de violences politiques ne se suspendent pas, mais contribuent fortement à (1) déspécialiser les savoirs ; (2) doublement infléchir les rapports aux savoirs : dans le sens de leur politisation, et dans le sens d’une exacerbation de la problématique de la construction des sources (guerres des savoirs et de l’information).

Dans le prolongement de travaux précédents, le séminaire méthodologique intitulé « Pratiques de terrain en contexte Moyen-Oriental » à Beyrouth a débuté en 2018. Son objectif est de mener une réflexion sur les approches et les pratiques de recherche en sciences sociales au Moyen-Orient. Il est conçu comme un espace de dialogues entre chercheurs et étudiants à différents stades de leurs cursus (master, doctorat) sur la construction de leurs objets et les méthodes mises en place.

Les différents programmes qui traitent aujourd’hui des mutations de la société syrienne en guerre, particulièrement le programme SHAKK, comme celles de la société palestinienne dans les Territoires palestiniens, viennent nourrir cette réflexion.

Une réflexion sera également menée sur l’éthique de la recherche, alors que les demandes de financeurs (comme l’Union Européenne) ou de certains partenaires académiques sont de plus en plus nombreuses. Cette question soulève aussi des enjeux fondamentaux en lien avec l’archivage des données et leur mise à disposition vers des publics larges.

Les programmes de recherche du DEC