PRECARités
Le séminaire du programme PRECARités, soutenu par l’ANR et mené en partenariat entre l’Ifpo, l’USJ et l’IREMAM, est organisé sous format hybride depuis l’Ifpo à Beyrouth. Il cherche à comprendre ce qui entrave la mobilisation et le développement de filets de sécurité face à la crise multisectorielle que connaît le Liban. Il s’agit d’analyser comment la pandémie de la COVID 19 et l’explosion du port ont accentué des inégalités, des incertitudes et des besoins de sécurité sociale. Nous proposons d’étudier les mécanismes par lesquels les protections assurées par le travail, par la mobilité et les solidarités de proximité et par la propriété génèrent indirectement et de façon combinatoire et exponentielle, des risques devenant exorbitants. Paradoxalement ces protections- engendrent des processus variés de précarisation, tant en matière de marchandisation des protections que de solidarités rapprochées, deux piliers des modèles de développement néolibéraux. En ce sens, la crise actuelle révèle des processus plus structurels sur lesquels agir, qui ont pu être masqués par d’autres formes de « résiliences ». Trois arènes de précarisation sont mises en exergue : les mondes du travail, les dynamiques de mobilité et les formes de la propriété. Pour travailler cela, l’équipe associe des universitaires français titulaires avec des universitaires libanais en situation actuelle de précarisation et des chercheurs et chercheuses (jeunes ou plus confirmés) dont le travail est précaire de longue date.
Prochaine séance
Mardi 27 Juin 2023 : 15h – 17h (heure de Beyrouth), en ligne
Intervenants : Serge Yazigi (AUB), Anna Poujeau (CNRS/Ifpo)
Serge Yazigi (AUB)
Axe Gouraud- Rue d’Arménie : des propriétaires “en errance” ?
Près de trois ans après l’explosion du 04 Aout, si une partie des activités nocturnes sont de retour le long de l’axe Gouraud – Armenie, la situation est plus complexe pour les résidents des deux qaurtiers, propriétaires inclus. Ces derniers, suite à un cumul de facteurs (réglementaires, économiques, et sociaux …) – et pour certains antécédents à l’explosion -peinent encore à revenir à leur lieu de résidence. Et parmi ceux qui ont réussi à regagner leur logement, nombreux sont ceux qui envisagent ce retour comme potentiellement temporaire. Ces propriétaires en « errance » seront l’objet de cette présentation.
Anna Poujeau (CNRS/Ifpo)
De journalier à commerçant : ethnographie d’une trajectoire entrepreneuriale d’un réfugié syrien à Beyrouth
A partir d’une enquête menée dans le quartier de Basta à Beyrouth auprès de Syriens réfugiés au Liban ayant développé leurs propres activités entrepreneuriales, la réflexion portera sur les différents modes d’insertion économique dans un contexte de crise multidimensionnelle.
Séances passées
- 5 avril 2022, 15h-16h30 (heure de Beyrouth)
Salle Fairouz, Beyrouth et en visioconférence.
« L’illusion à crédit : les nouveaux créanciers du modèle économique libanais »
Intervenante: Rosalie Berthier, responsable du programme Liban chez Synaps et en charge de la recherche sur l’économie. Elle a récemment publié Lebanon’s invisibility Trap.
Résumé : La crise que traverse le Liban est celle d’un modèle, mais surtout d’un mirage, sur lequel le pays s’est construit. Sans ses artifices, l’économie n’est plus qu’extraction et exploitation d’une société par elle-même, au détriment de tous. - 7 juin 2022, 14h30-16h30
Salle Fairouz, Ifpo, Beyrouth ou en ligne
“Penser les budgets de famille en situation de crise”
Intervenant: Pierre Blavier, chargé de recherche CNRS au CLERSE (Université de Lille).
Auteur de “ La Grande Récession de 2008 au prisme des budgets de ménage”, Bulletin de méthodologie sociologique, 2020, Vol. 145, p. 7–29 - 4 octobre 2022, 15h-17h (heure de Beyrouth)
En visioconférence
« Économie politique du travail au Liban. Fabrique et transformations des précarités laborieuses »
Intervenant : Michele Scala, Head of Research (CeSSRA), chercheur associé à l’IfpoRésumé : L’effondrement du capitalisme financier dans sa version libanaise, et ses effets brutaux au niveau social ne sauraient se comprendre à l’aune de la simple conjoncture. Ils relèvent de, autant qu’ils révèlent des dynamiques structurelles de précarisation qui se trouvent exacerbées en contexte de crise. En se saisissant du travail comme d’un lieu d’observation privilégié de dynamiques processuelles de précarisation, cette intervention souhaite interroger la fabrique et puis l’exacerbation des précarités laborieuses. - 5 décembre 2022 : 15h-17h (heure de Beyrouth)
Salle Fairouz, Beyrouth et en visioconférence.
« Repenser le miracle économique libanais : le niveau extrême d’inégalités au Liban entre 2005 et 2014 »
Intervenante : Lydia Assouad, Assistant Professor of Economics, London School of Economics
Résumé : Cette étude collecte et questionne l’ensemble des sources disponibles sur les revenus et les patrimoines au Liban afin d’en dériver des estimations du niveau des inégalités dans le pays. Les résultats parlent d’eux-mêmes : les 1 et 10% les plus riches libanais reçoivent environ 25 et 55% du revenu national total en moyenne entre 2005 et 2014, faisant du Liban l’un des pays les plus inégalitaires au monde, à côté de l’Afrique du Sud ou du Brésil, souvent présentés comme les pays les plus inégalitaires. Ces résultats questionnent le narratif du « miracle économique libanais » selon lequel l’économie du pays serait un modèle dans la région, et permettrait de garantir des niveaux de revenus moyens relativement élevés. - 17 janvier 2023, 15h-17h (heure de Beyrouth)
Salle de conférence Ifpo, Beyrouth et en visioconférence.
Présentation des résultats de l’enquête quantitative : travail, mobilités, propriétés (E0)
Intervenants : Jacqueline Saad Harfouche, OURSE (Observatoire Universitaire de la Réalité Socio-Economique), Université Saint Joseph et Nizar Hariri, chercheur indépendant
Résumé : Cette séance à huis clos, réservée aux membres de l’ANR PRECAR, sera l’objet d’une discussion autour de la présentation des résultats descriptifs de l’enquête quantitative (E0) du projet PRECAR, menée sur un échantillon représentatif de 1200 répondants. - 28 février 2023 : 15h–17h (heure de Beyrouth)
Salle de conférence Ifpo, Beyrouth et en visioconférence.
« Précarité en milieu agricole et rural au Liban »
Intervenant : Riad Saade, Centre de recherches et d’études agricoles libanais (CREAL)
ID de réunion : 986 1903 4337Code secret : BzyKJ7
Résumé : Pays rural par excellence jusqu’à la fin de la Grande Guerre, le Liban a vu sa société agricole et rurale vivre un développement harmonieux jusqu’au début de la guerre au Liban (1975). Depuis c’est l’ensemble de la société libanaise, tant urbaine que rurale, qui vit en état de précarité avec quelques ilots de « privilégiés » rattaches à une économie mafieuse ou au noir. L’expose analysera cette évolution et les causes et conditions de précarité avec quelques exemples actuels. Il invite à une discussion qui devrait éclairer les originalités de la mosaïque sociale libanais et son impact sur les modes de vies et les précarités différentes qui en découlent. Il sera également question de l’approche analytique des sujets concernant le Liban, sans écarter les critères adoptés à l’international, une connaissance profonde des composantes diverses et originales du cas libanais, devrait aboutir à des conclusions/solutions réalistes et réalisables. -
Mardi 18 avril, 15h -17h (heure de Beyrouth)
Erminia Chiara Calabrese (Université de Terragona/Césor/EHESS)
Économies domestiques en cours de crise. Une enquête auprès des classes populaires à Chiyyah
Cette communication s’intéresse aux façons dont des membres issus des classes populaires gèrent et organisent leurs économies domestiques suite à la crise qui touche le Liban et sa population depuis 2019. Ce contexte se caractérise par des déclassements vertigineux, une forte raréfaction des ressources et une imprévisibilité importante face aux changements brusques du taux de la livre libanaise sur le marché et de son pouvoir d’achat. En prenant le foyer domestique comme base d’observation de la crise et comme objet de recherche, j’adopte la méthode de l’ethnocompatibilité afin d’élucider les calculs et tactiques mises en œuvre au quotidien pour tenir le budget : se nourrir, se soigner, éduquer les enfants, accomplir les obligations familiales, payer le loyer…
Il s’agit ici de discuter les premiers résultats d’une enquête ethnographique (entretiens, conversations et observations) conduite à Chiyyah, dans la banlieue sud de Beyrouth, auprès de douze ménages dont les membres sont en majorités des ouvriers, employés et des petits indépendants. Ces enquêtés ont en commun la subalternité dans le travail, des salaires en livre libanaise, l’éloignement par rapport au capital culturel et le fait qu’ils ne disposaient pas d’épargne bancaire.
Leïla Drif (Institut Convergences Migrations)
La protection sans filets : un travail relationnel à l’épreuve des crises… mais à quel prix ?
Dans cette séance, il sera question d’interroger la fabrication de la protection au sein des urbanités de crise, à travers l’examen dialectique des pratiques et des stratégies de sortie de vulnérabilité, que développent les réfugiés syriens et les pauvres urbains libanais au sein du quartier de Hayy Gharbe, au sud de Beyrouth. Partant de cette échelle résidentielle, nous verrons comment la mobilité de ces habitants vient recomposer les logiques de l’appartenance qui sous-tendent les rapports sociaux en jeu dans les « solidarités rapprochées ». Si l’engagement relationnel est au cœur de la fabrique sociale des protections, il peut aussi précariser davantage les personnes qui s’y exposent. Quel est alors le coût d’un tel investissement relationnel sur le marché des rapports sociaux d’obligation ? Et en quoi le dispositif humanitaire de l’aide internationale peut-il se constituer comme un espace alternatif à l’accès aux droits de protection des citadins précaires, libanais et syriens ?
La discussion proposée à partir de ces questionnements est issue d’un travail de thèse portant sur la période d’installation des réfugiés syriens entre 2015 et 2020, et entend contribuer à une mise en perspective de la crise multisectiorielle au Liban, et de ses effets sur les solidarités des plus précaires.
- Mardi 16 Mai 2023 : 15h – 17h (heure de Beyrouth), en ligne
Intervenantes : Chayma Hassabo (Ceped/IRD – Ifpo)* et Candice Raymond (CNRS)
*La recherche discutée par Chaymaa Hassabo est menée dans le cadre d’une collaboration avec le Centre for Social Sciences Research and Action (CeSSRA).
Producteurs et productrices de savoir face aux crises économiques libanaises (années 1980, années 2019-2023) : stratégies d’adaptation et transformations du rapport au métier
L’histoire sociale et économique du Liban contemporain a été marquée par deux crises monétaires de grande ampleur, la première au cours des années 1980 et la seconde depuis 2019. Dans les deux cas, et en dépit de contextes politico-sécuritaires très contrastés, la forte dévaluation de la monnaie nationale et l’inflation, voire l’hyperinflation, ont eu pour effets un appauvrissement brutal des classes moyennes et une amplification du mouvement d’émigration touchant tout particulièrement les travailleurs et travailleuses hautement qualifié.es. Notre présentation s’intéressera à une catégorie particulière parmi ces populations, les producteurs et productrices de savoir (universitaires, consultant.es, chercheur.ses employé.es par des centres de recherche ou des ONG, etc.). A partir d’une enquête par entretiens sur les trajectoires professionnelles et personnelles d’un échantillon non représentatif de ces acteurs, nous envisagerons de manière comparative les stratégies d’adaptation qu’ils et elles ont mises en œuvre et les transformations que ces stratégies ont induites dans leur rapport au métier.