Le DEC accueille 4 nouvelles personnes à Amman et Beyrouth
Le Département des études contemporaines accueille cette année à Beyrouth 1 chercheuse CNRS (Anna Poujeau) et à Amman, 1 chercheur MEAE (Simon Dubois) et deux doctorantes, une boursière AMI (Livia Perosino) et une boursière SAFAR (Petra Samaha).
Anthropologue, chargée de recherche au CNRS, Anna Poujeau travaille sur la construction des appartenances confessionnelles et des rapports au pouvoir des minorités religieuses en Syrie depuis le début des années 2000. L’ouvrage, issu de sa thèse en ethnologie, paru en 2014 Des monastères en partage. Sainteté et pouvoir chez les chrétiens en Syrie révèle les rapports qu’entretiennent monachisme, pouvoir et sainteté dans les formes d’inscription sociale et politique des chrétiens en Syrie. Depuis 2011, la révolution puis la guerre qui a suivi, Anna Poujeau cherche à saisir et à analyser les profondes recompositions religieuses, sociales et politiques auxquelles la société syrienne est soumise en travaillant sur les modalités de construction historique, politique et sociale des minorités. Durant son affectation à l’Ifpo-Beyrouth, elle développera un projet de recherche intitulé Récits et recompositions politiques en Syrie : la société à l’épreuve de la guerre en travaillant sur la reconstitution et l’analyse des enlèvements collectifs des membres de minorités religieuses survenus à différents moments du conflit. Ces enlèvements, qu’elle appréhende comme des « affaires » au sens sociologique du terme, font naitre de nombreux discours et récits souvent contradictoires et mobilisent une multitude d’acteurs plus ou moins importants comme intermédiaires et négociateurs entre les différentes parties en conflit. Véritables mises en drame des identités individuelles, familiales et régionales, ces récits à la fois réflexifs et rétrospectifs sont au cœur de la fabrique la plus contemporaine de l’histoire sociale et politique syrienne. Responsable à l’Ifpo – Beyrouth de la mise en œuvre du Programme de recherche SHAKK De la révolte à la guerre en Syrie : conflits, déplacements, incertitudes Anna Poujeau reprendra la direction du séminaire de recherche SHAKK et développera un réseau scientifique autour des recherches en sciences sociales sur la Syrie contemporaine.
Après une recherche sur les exils du théâtre contemporain syrien au Liban et en Europe, Simon Dubois aborde le renouvèlement des pratiques théâtrales à l’échelle de la région en faisant de Amman son point d’observation. En effet, la capitale a accueilli depuis 1994 les journées théâtrales de Amman, un festival qui a formé un véritable lieu de rencontre pour une génération de praticiens du théâtre vivant en Jordanie, Palestine, Syrie, Liban et Égypte durant les années 1990. Leur mise en réseau a permis de jeter les bases d’une nouvelle culture professionnelle dans le milieu de l’art. Ces hommes et femmes de théâtre ont installé des circuits de création régionaux qui offrent aujourd’hui aux artistes des alternatives aux institutions étatiques et fonds internationaux pour le financement, la production et la diffusion de leurs œuvres. Ces transformations des conditions de création, d’abord propres au milieu des arts scéniques, exercent désormais une influence sur d’autres domaines artistiques. Ce projet de recherche se situe à la croisée de la sociologie, de l’anthropologie et de l’histoire de l’art. Il s’appuie sur la conduite d’enquêtes de terrain multi-situées et sur la récolte d’archives liées au monde du théâtre qui permettent d’interroger différent niveau de productions et de circulations artistiques du local au transnational.
Livia Perosino, diplomée du master « Intégration et mutations en Méditerranée et au Moyen-Orient » de Sciences Po Grenoble et désormais doctorante (LAM/Sciences Po Bordeaux) a obtenu une bourse AMI à l’Ifpo – Amman. Elle s’intéresse aux grandes orientations des politiques agricoles, notamment dans le contexte jordanien. Les crises alimentaires récurrentes ont montré les limites d’un modèle alimentaire global s’appuyant sur les échanges internationaux pour s’approvisionner en denrées alimentaires de base. Dans ce contexte, la Jordanie représente un cas particulièrement problématique : le pays dépend des importations pour satisfaire entre 80 et 90% de sa demande interne en biens alimentaires, est caractérisé par un stress hydrique élevé et par un territoire en grande partie désertique. Si l’agriculture a longtemps été considérée comme une question stratégique, à partir de 1989, suite à l’application des Plans d’ajustement structurels (PAS), le secteur a subi une dégradation importante. Elle s’intéressera aux objectifs actuels de la politique agricole jordanienne, à ses modalités concrètes ainsi qu’aux visions du développement économique et agricole. Les rapports de pouvoir et les conséquences effectives sur les modes de production agricole jordaniens et sur les différents acteurs du secteur sont également des questions centrales dans ses recherches.
Petra Samaha is a PhD candidate at CERI Sciences Po under the supervision of Pr. Eric Verdeil. She has an academic background in urbanism and her thesis is entitled “On the Meaning of the “Public” in a Propertied Landscape: Space matters and State representations. The case of Lebanon”. She has obtained a SAFAR scholarship. Within the broad frameworks of state and society, public space is often provided and managed by the state and used by society as a whole. Its control and use are subject to different configurations; yet the State remains the main agent in its governance. Public space transcends its material role to create a sense of “commons” that underpins civic sensibility and embodies political meanings. However, with the prevalence of the financialization of landed properties, public spaces and more broadly the commons are struggling to remain inclusive. This study examines the case of Lebanon where mostly land value is reduced to its building exploitation ratios rather than its contribution to the public good. While the delineation of private property becomes sharper, the remaining patterns of ownership (e.g. commons, religious domains, public domains of sidewalks and streets, maritime domains) are being blurred and privatized, de jure and/or de facto. The country was transformed into a “propertied landscape”, the impacts of which have been mostly disastrous: sharp urban divides and social inequalities, hindered mobility, unlivable cities, increasingly unproductive economy, degenerating ecosystems and irreversible losses in natural sites. Facing the strong power interests related to private property and its central role in the Lebanese economy, the State has become incapable of deploying any planning scheme at any scale, and has recurrently failed to protect its national assets. With a focus on the historical and urban dynamics that have shaped the urban built environment in Lebanon in the past century, the project seeks to understand how the disintegrated State is reflected today on the urban commons and shared spaces of our cities and to contribute to a paradigm shift in the way the role of land is perceived for more inclusive cities.