Civil Society Review, Social Science for Change – La guerre : un catalyseur de transformations familiales ? Études à partir du Proche-Orient
Lebanon Support sollicite des contributions sur le thème:
La guerre : un catalyseur de transformations familiales ? Études à partir du Proche-Orient
Numéro édité par: Valentina Napolitano
Depuis les années 1990 le champ d’études sur la guerre a connu un important renouvellement. La démultiplication des conflits « civils » ou « internes » (Richards 2004) à l’issue de la Guerre froide, a en effet engendré un déplacement de la focale des États vers l’échelle des acteurs non-étatiques et des trajectoires des combattants (Debos 2013). Un changement associé en outre à un intérêt croissant pour les reconfigurations des sociétés en temps de guerre (Lubkemann 2008, Koloma Beck 2012, Gayer 2018). Dans le prolongement de ces approches, ce numéro thématique propose d’axer la réflexion autour de la famille comme unité d’analyse permettant d’appréhender les bouleversements du temps de guerre sur un continuum avec les dynamiques sociales antécédent à son déclenchement. Le point de départ sont les études empiriques issues de l’aire proche-orientale où les conflits constituent un trait marquant voir durable de la vie de plusieurs sociétés. Ce numéro sera aussi l’occasion de présenter les résultats d’une réflexion collective entamée lors d’un colloque international intitulé « Guerre et transformations familiales au Moyen-Orient » (War and families’ transformations in the Middle-East), organisé à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) en novembre 2018.
Plusieurs recherches ont d’ores et déjà souligné les impacts des conflits sur plusieurs aspects de la vie familiale dans cette région. Au Liban, la guerre civile (1975-1990) a réactivé les solidarités familiales tout en redéfinissant les rapports de genre et ceux entre générations, avec l’acquisition de nouveaux rôles par les femmes et les jeunes, autant dans la sphère publique que celle privée. La guerre a en outre engendré une compétition entre les familles et les milices armées dans le maintien de la loyauté de leurs membres (Joseph 2004). Dans les Territoires palestiniens au cours de l’Intifada de 1987, la fertilité des femmes palestiniennes est employée comme un moyen de lutte contre l’occupation israélienne (Courbage 1997). Cette période est aussi marquée par des nouvelles pratiques matrimoniales, avec l’émergence de « mariages politiques » qui dépassent les clivages sociaux et religieux (Johnson, Abu Nahle & Moors 2009). La préservation de la famille et de « l’honneur » des femmes devient aussi une stratégie pour cacher les défaillances des hommes et leur sentiment d’impuissance face à l’expropriation des Palestiniens en exil (Latte Abdallah 2005). En Irak, les fractures politiques et confessionnelles provoquées par la succession de guerres depuis les années 1980, ont fragmenté les normes juridiques réglementant le code du statut personnel en fonction de la confession d’appartenance (Ali 2018). En Syrie le conflit débuté en 2011, a provoqué des déplacements massifs de la population à l’intérieur du pays et dans ceux voisins (Turquie, Liban et Jordanie), engendrant à la fois des mécanismes d’effritement de l’entraide parentale, mais aussi une réactivation des réseaux migratoires préexistantes (Lagarde & Doraï 2017). On constate aussi l’émergence de nouvelles pratiques matrimoniales remettant en cause l’endogamie communautaire dominante (Napolitano 2019), mais aussi l’exacerbation de pratiques comme les mariages précoces parmi les réfugiés. Parmi les classes moyennes, la participation des femmes au mouvement « révolutionnaire » a aussi provoqué une renégociation des rôles de genre au sein de la famille (Loris-Rodionoff 2019).
Cet appel à communication sur le thème de la famille et la guerre souhaite creuser d’avantage les effets liés au brouillage des frontières entre la sphère publique et la sphère privée qui caractérise ces contextes conflictuels et la manière dont le politique se transpose dans sphère familiale. Il propose en outre comprendre les stratégies de recomposition de l’entraide et le processus de redistribution des rôles générationnels et de genres. Les contributions devront se fonder sur des données empiriques originales et pourront s’inscrire dans des approches disciplinaires variées (sociologie, science politique, histoire, anthropologie et géographie). Elles pourront porter sur le Liban, la Syrie, la Jordanie, les Territoires palestiniens et l’Irak, à la fois sur des populations directement exposées à la guerre, au présent ou dans le passé récent, ou parmi les réfugiés. Les papiers pourront s’articuler autour des trois axes de réflexion suivants :
1. Solidarités et relations intergénérationnelles
Cet axe souhaite explorer les reconfigurations des relations entre différentes générations familiales. Plusieurs études ont souligné l’évolution du « contrat intergénérationnel » (Roth 2010) en temps de conflit, avec la remise en cause de l’autorité des aînés par les jeunes en arme et leur affirmation dans les structures de pouvoir locales (Vlassenroot & Raeymaekers 2004, Chebli 2019). Au-delà de cette logique de redistribution du pouvoir et de conflit entre générations, cet axe souhaite aussi se pencher sur l’évolution des solidarités et de l’entraide entre parents et enfants, petits-enfants et grands-parents, ainsi qu’entre les différentes générations d’un même réseau de parenté. Ces évolutions seront aussi étudiées en interaction avec les programmes d’intervention sociale et humanitaire afin de comprendre comment ceux-ci affectent les solidarités intrafamiliales.
2. Rapports de genre
Le deuxième axe porte sur la reconfiguration des rapports de genre. Ce thème est abordé par un nombre croissant de travaux sur la guerre (Debos 2013, Bucaille 2011, Thebaud 2014) qui avancent souvent l’hypothèse d’un déplacement des équilibres de genre en faveur de l’émancipation des femmes de l’autorité masculine. Celle-ci est par ailleurs corroborée par la rhétorique des acteurs humanitaires soulignant les bénéfices de leur action en terme d’« empowerment » des femmes. Cet axe souhaite aller au-delà de cette opposition binaire des genres, pour porter l’attention sur la coproduction des féminités et masculinités, ainsi que sur les processus de redistribution des taches au sein d’un même genre.
3.Pratiques matrimoniales
Le troisième axe porte sur les pratiques matrimoniales comme un révélateur particulièrement pertinent des mutations des hiérarchies sociales. Les pratiques matrimoniales sont investies par une multiplicité d’acteurs (politiques, armées et humanitaires) qui par leur encadrement souhaitent véhiculer leur propre vision de l’ordre social et de la famille. Outre les nouvelles formes d’unions, cet axe souhaite aussi aborder le thème des séparations et des divorces qui peuvent résulter du durcissement des fractures politiques, religieuses et ethniques, ainsi que des migrations forcées.
Calendrier
Les résumés doivent être envoyés à: editor@lebanon-support.org(link sends e-mail) avant le 15 octobre 2020, en indiquant dans l’objet de votre email le titre de l’AAC : “La guerre : un catalyseur de transformations familiales?”
Les auteurs dont les articles ont été acceptés pour publication seront notifiés dans un délai d’un mois par les responsables des publications.
Les articles finaux doivent être partagés avec Lebanon Support pour examen à double insu par les pairs d’ici le 20 février 2021.
Consignes
Lebanon Support encourage les contributions de chercheurs expérimentés, de chercheurs en début de carrière, de titulaires de doctorat, de spécialistes, de militants et d’experts de la société civile. Les auteurs peuvent soumettre leurs articles en arabe, anglais ou français. Tous les articles sont soumis à un examen à double insu par les pairs.
La priorité sera donnée aux contributions qui adoptent une approche critique des concepts et des catégories sous étude, s’inscrivent dans un cadre théorique solide et qui sont basées sur des recherches empiriques.
Format de présentation des résumés
Les propositions peuvent être présentés en arabe, anglais ou français.
Veuillez communiquer les informations suivantes dans un document word/pdf:
- Nom (s)
- Titre(s) et affiliation(s)
- Titre de l’article
- Un résumé de 500 mots maximum
- Une courte biographie de 250 mots et un CV d’une page
- Votre adresse email
Les articles doivent faire un total de 8 000 à 10 000 mots. Les témoignages de spécialistes ne devraient pas dépasser les 3 000 mots, et les comptes rendus de livres devraient compter un total de 700 à 1 000 mots.
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Bibliographie
Abu Nahle, Lamis ; Penny Johnson & Annelies Moors. « Wedding and War: Marriage Arrangements and Celebrations in Two Palestinian Intifadas”, Journal of Middle East Women’s Studies, Vol. 5, n° 3, 2009, p. 11-35.
Latte Abdallah Stéphanie, « Subvertir le consentement. Itinéraires des femmes des camps de réfugiés palestiniens en Jordanie (1948-2001) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2005/1 (60e année), p. 53-89.
Ali, Zahra. « La fragmentation du genre dans l’Irak post-invasion », Nouvelles Questions Féministes, vol. vol. 37, n° 1, 2018, pp. 86-105.
Bucaille Lætitia, « Femmes à la guerre. Égalité, sexe et violence », Critique internationale, 2013/3 (n° 60), p. 9-19.
Chebli Denia, « La révolte en héritage. Militantisme en famille et fragmentation au Nord-Mali (MNLA) », Cahiers d’études africaines, 2019/2 (n° 234), p. 453-481.
Courbage, Youssef. “La fécondité palestinienne des lendemains d’Intifada.” Population 52, n° 1 (1997): 223–33.
Marielle Debos. Le métier des armes au Tchad. Le gouvernement de l’entre-guerres. Karthala, 2013.
_ « Les limites de l’accumulation par les armes. Itinéraires d’ex-combattants au Tchad », Politique africaine, 2008/1 (N° 109), p. 167-181.
Gayer, Laurent. « La « normalité de l’anormal » : recomposer le quotidien en situation de guerre civile », Critique internationale, 2018/3 (N° 80), p. 181-190.
Joseph Suad (dir), Arab Family Studies: Critical Reviews, Syracuse, Syracuse University Press 2018.
_ « Conceiving Family Relationships in Post-War Lebanon”,Journal of Comparative Family Studies, Vol. 35, , Printemps 2004, n° 2, pp. 271-293
_ & Johnson, Penny. “Introduction. War and Transnational Arab Families”, Journal of Middle East Women’s Studies, Vol. 5, n° 3, 2009, p. 1-10.
Koloma Beck, Teresa. The normality of civil war. Armed groups and everyday life in Angola. Frankfurt/Main, Campus, 2012.
Loris-Rodionoff, Charlotte. « From the Political to the Social: The Speed and Depth of Revolutionary Transformations. », communication lors du colloque « Syria Today. Social, Political and Economic Changes. At the Interface between National Territory and Migratory Spaces », Ifpo-Amman, 29-30 septembre 2019.
Lubkemann Stephen, Culture in Chaos. An Anthropology of the Social Condition in War, Chicago, The University of Chicago Press, 2008.
Napolitano Valentina, “The Transformation of Family Sphere among Syrians in Jordan”, communication lors du colloque « Syria Today. Social, Political and Economic Changes. At the Interface between National Territory and Migratory Spaces », Ifpo-Amman, 29-30 septembre 2019.
Richards Paul, No peace, no war: an anthropology of contemporary armed conflicts, Ohio, Ohio University Press, 2004.
Thebaud Françoise, « Penser les guerres du xx e siècle à partir des femmes et du genre. Quarante ans d’historiographie », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 2014/1 (n° 39), p. 157-182.
Vlassenroot Koen, Timothy Raeymaekers, “Conflict and Social Transformation in Eastern DR Congo”, Academia Press, 2004.
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