Rencontre : « Témoignages, subjectivités, technologies : Pratiques de la vidéo en Syrie depuis 2011 » (07/02/2020)
Présentation
Cette rencontre dans le cadre du séminaire « Corps : Écriture et images en chair et en sang » propose une double intervention, d’abord celle de Cécile Boëx, en français, puis de Stefan Tarnowski, en anglais.
Cécile Boëx parlera des vidéos prises avec des téléphones portables dès le début des mobilisations syriennes, en mars 2011, qui témoignent de l’ampleur de la révolte et de la brutalité de la répression. Tournées dans l’urgence, ces vidéos sont incarnées, dans le sens où les corps et les émotions y occupent une place prépondérante parce qu’elles mettent en jeu la vie de ceux qui filment. Dans ce contexte, filmer, n’est plus seulement documenter mais devient une manière de vivre l’engagement et de faire face à la violence. Néanmoins, ces formes de témoignage vont peu à peu être formatées au sein d’une économie de la véridiction et de l’efficacité encadrée par des ONG ou des agences de presse. Cette communication esquisse le cheminement d’une dépossession du témoignage filmé, réduisant les preneurs d’image à des techniciens et des sous-traitants.
De son côté, Stefan Tarnowski se placera du côté des forces de l’ordre, de la Défense Civile Syrienne, aussi connue sous le nom de « Casques Blancs », qui ont commencé, dès le début du mouvement, à porter des cameras GoPro embarquées, dans un objectif d’entraînement. Mais rapidement, ces individus ont réalisé que ces vidéos pouvaient contenir la preuve des crimes de guerre et avaient le pouvoir de « mobiliser la honte ». Après le début de la circulation de ces vidéos, les Casques Blancs sont en effet rapidement devenus la cible d’une des premières grandes campagnes de désinformation. Les théoriciens questionnent depuis longtemps la capacité des vidéos montrant les droits humains bafoués à atteindre leurs objectifs dans le cadre d’une politique humanitaire. Cette réflexion suit un arc narratif courant qui entoure la technologie, allant de l’optimisme, sur son pouvoir bénéfique, au pessimisme, sur les risques d’une utilisation détournée. Mais où le décompte de ces « corps au sol » et la théorie vont-ils se rencontrer? Qu’elles sont les résonances et dissonances entre les théories de la technologie et les décomptes de ceux qui les utilisent? Pourquoi l’idée d’une force déterminante de la technologie continue-t-elle de capturer l’imagination d’autant d’acteurs et de théoriciens?
This meeting in the framework of the seminar « Corps : Écriture et images en chair et en sang » proposes a double intervention: first that of Cécile Boëx, in French, then of Stefan Tarnowski, in English.
Cécile Boëx will talk about the videos taken with mobile phones at the start of the Syrian mobilisations in March 2011, which show the scale of the revolt and the brutality of the repression. Shot in a hurry, these videos are embodied, in the sense that bodies and emotions play a predominant role because they put the lives of those filming at stake. In this context, filming is no longer just documenting but becomes a way of living commitment and dealing with violence. Nevertheless, these forms of witnessing will gradually be formatted within an economy of truthfulness and efficiency supervised by NGOs or press agencies. This paper outlines the path of dispossession of filmed testimony, reducing image takers to technicians and subcontractors.
For his part, Stefan Tarnowski will place himself on the side of law keepers, the Syrian Civil Defence, also known as the White Helmets, which began wearing body-mounted GoPro Cameras on their helmets for training purposes. Soon these first responders and their trainers found that the footage might contain both evidence of war crimes and have the power to “mobilise shame”. After the footage began to circulate, the White Helmets became the targets of one of the first major coordinated disinformation campaigns. Theorists have long questioned the power of human rights videos, despite its early promise, to achieve its aims as part of a politics of humanitarian concern. This follows a common narrative arc surrounding technology, from the optimism that its power can be used for good, to the pessimism of its appropriation for malign ends. Where might the accounts of these “bodies on the ground” and theory meet? What are the resonances and dissonances between theories of technology and the accounts of those who use them? Why does the idea of the technology’s determinative force continue to capture the imaginations of such a broad range of both actors and theorists?
Cette rencontre est organisée par l’ANR Shakk, l’IFPO et l’OIB, avec la participation du projet SYRBODY. Ce projet est financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union Européenne au titre de la convention de subvention Marie Sklodowska-Curie n°832777.
La rencontre est ouverte au public.
Intervenant·e·s
Cécile Boëx, Maîtresse de conférences de l’EHESS (CéSor) (intervention en français).
Stefan Tarnowski, PhD Candidate at Columbia University’s Anthropology Department (in English).
Organisateurs·trices
Emma Aubin-Boltanski
Nibras Chehayed
Jean-Christophe Peyssard
Date et horaire
Le vendredi 7 février 2020 à 18h
Lieu
Orient-Institut Beirut
Rue Hussein Beyhoum 44. Zokak el-Blat
Pour tous renseignements
emma.aubin-bolantski@ehess.fr
n.chehayedfporient.org
jc.peyssard@ifporient.org
Crédit et légende des illustrations pour l’affiche : Mohammad Omran