La survie de la Banque centrale pendant la guerre civile (19/02/2020)

Comment comprendre l’histoire longue d’une institution d’état aujourd’hui contestée

Conférence Rendez-vous de l’Ifpo le mercredi 19 février 2020 à 18h à Beit Beirut

Intervenant

Pierre France, doctorant en Science Politique (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et doctorant associé à l’Ifpo

Résumé

Aujourd’hui contestée comme jamais auparavant, la Banque du Liban a longtemps été présentée comme un exemple d’institution stable et fonctionnelle, et son gouverneur comme un « magicien », non seulement parmi les banquiers libanais, mais aussi à l’échelle régionale et internationale. Alors que l’histoire de la déconstruction de cette image est actuellement en train de s’écrire, cette intervention se propose de la prendre à rebours, dans son histoire longue, qui prend sa source avant les années 1990, pendant la guerre civile de 1975-1990.

La banque du Liban est en effet devenue l’un des derniers bastions de l’État pendant cette période, tenant ensemble le secteur privé et le secteur public, l’équilibre du système bancaire et des finances publiques graduellement privées d’impôts : « Banque devenue État », protégée par un gouverneur qui aurait « dormi sur l’or », elle est aussi devenue, à travers la voix de ses gouverneurs successifs, une institution familière dans le débat public. Au-delà d’une histoire économique et monétaire des politiques de la Banque Centrale déjà bien documentée, cette intervention sort du strict domaine économique et porte sur des éléments historiques et sociologiques : la construction d’un rôle public de gouverneur, totalement absent avant-guerre, dont va hériter par la suite l’actuel gouverneur ; le double caractère d’institution nationale et statutairement « non-étatique » de la BDL et le jeu permanent sur cette frontière ; le questionnement pratique sur l’or, la circulation des billets, ou l’ouverture de succursales. Autant d’éléments qui montrent qu’une banque centrale est une institution complexe et multiforme. Plus globalement, à travers l’histoire de la BDL, il s’agit d’avancer aussi quelques questionnements généraux sur les équilibres entre État libanais, milices et secteur bancaire à travers différentes périodes de la guerre civile.