Jean-Marie DENTZER (Strasbourg, 26 septembre 1935 – Paris, 29 octobre 2020)
Jean-Marie Dentzer, Professeur d’archéologie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut s’est éteint au terme d’une éprouvante maladie le 29 octobre 2020 à Paris à l’âge de 85 ans.
Grande figure de l’archéologie du Proche-Orient de ces cinq dernières décennies, Jean-Marie Dentzer était aussi un fin humaniste et un ami fidèle. Sa proverbiale distraction s’accompagnait d’une acuité particulière pour les problématiques de terrain, toujours aux confins des disciplines, toujours à l’affût de nouveaux outils pour interroger le sol ou l’environnement. Du couteau suisse aux premiers ordinateurs personnels, cette quête incessante du progrès au service de la science n’allait pas sans un intérêt profond pour les habitants des contrées proche-orientales qu’il a tant arpentées de 1960 à 2010, de Syrie et du Liban à l’Arabie saoudite en passant par la Jordanie. Les études, toujours pionnières, qu’il a engagées ou suscitées en les soumettant à des étudiants prometteurs, étaient toujours portées par des équipes pluridisciplinaires incluant des collaborateurs qu’il savait motiver, des collègues éminents, au premier rang desquels Jacqueline Dentzer-Feydy.
Des pans entiers de l’archéologie et de l’histoire de ces régions ont été ainsi portés à la connaissance du plus grand nombre par des expositions, des conférences ou des colloques (comme celui de Damas en 2007, consacré au Hauran) avec l’égal soutien des autorités françaises de la Commission des fouilles du Ministère des Affaires étrangères et de nos ambassades.
Après des fouilles au Maroc et en Afghanistan, son séjour à l’Institut français d’archéologie de Beyrouth à partir de 1963 (succédant à 3 années comme membre de l’École française de Rome) lui a donné l’occasion de visiter les pays du Proche-Orient en s’attachant plus particulièrement au Hauran, en Syrie du Sud, quelque peu délaissé depuis les travaux pionniers de l’architecte américain Butler. Il en a décelé le potentiel archéologique et n’a eu de cesse depuis lors d’améliorer la connaissance que nous avions des Nabatéens et de leur rôle politique et culturel à l’interface des mondes classiques, au travers des travaux menés dans le cadre de la mission archéologique française en Syrie du Sud à partir de 1974.
Outre sa passion pour le terrain, Jean-Marie Dentzer avait un goût pour la transmission des savoirs qu’il a acquis auprès des grands maîtres de la discipline et qu’il a tout au long de sa vie enrichis, d’abord à Nancy puis à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Un simple repas en commun au cœur des missions de fouille devenait souvent un échange foisonnant dans une ambiance chaleureuse malgré parfois la rudesse de l’hébergement ou la frugalité de la cuisine.
De 1996 à 1999, il a dirigé l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient (IFAPO), succédant à François Villeneuve, où il a pu, entre autres, relancer des travaux à Palmyre et initier un nouveau programme à Pétra. Inlassable, il a également entrepris une exploration du Sinaï nabatéen avec Nicolas Grimal et lancé la première mission française à Hégra (Madā’in Ṣāleḥ en Arabie saoudite) aux confins méridionaux du royaume nabatéen.
Ses publications sont nombreuses, depuis sa thèse sur le banquet couché jusqu’à ses derniers travaux sur la Syrie du Sud ou encore l’Atlas de Palmyre. Et bien des ouvrages publiés à travers le monde dont il eut l’initiative lui rendent hommage. Son universalité, sa modestie, ses apports scientifiques ont été reconnus lors de son élection en 2001 à l’Institut, à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, dont la cérémonie simple et solennelle de la remise de l’épée est à l’image du savant qu’il fut.
Pierre-Marie Blanc, le 3 novembre 2020