La construction de savoirs partagés : Comment faire de la recherche en sciences sociales au Proche-Orient ? (5-6/11/2018)
Colloque organisé par l’Ifpo avec le soutien de l’Agence universitaire de a francophonie (AUF) – Moyen-Orient et de l’Institut français du Liban.
Présentation
Alors que le Proche-Orient fait face à des crises, des conflits et de profonds changements sociaux, la recherche en sciences humaines et sociales doit jouer un rôle central dans la compréhension et l’analyse critique de ces mutations. Dans les années 1970, avec entre autres la création du CERMOC (Centre d’études et de Recherche sur le Moyen-Orient Contemporain) en 1977, la recherche française en sciences sociales amorce une nouvelle façon d’envisager son rapport aux sociétés qu’elle étudie : on passe d’une recherche sur ces sociétés à l’émergence d’un savoir partagé avec les chercheurs et les institutions proche-orientales. Comme le note Éric Verdeil, le CERMOC est « un laboratoire original, combinant parité franco-libanaise, interdisciplinarité, capitalisation documentaire et engagements marqués dans les chantiers du développement, de la reconstruction et de la crise politique ». Quarante ans après sa création, alors que le paysage en sciences sociales dans la région s’est diversifié – tant du point de vue institutionnel que thématiques -, comment penser la place et le rôle de centres de recherche comme l’Ifpo ? En faisant dialoguer des chercheurs du Proche-Orient et de France, ce colloque interrogera l’évolution des recherches menées aux croisements de différents mondes, traditions et langues académiques au CERMOC, puis à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), avec en filigrane un questionnement : dans quelle mesure la construction de savoirs partagés permet-elle de produire des connaissances originales sur ces sociétés proche-orientales contemporaines depuis la première guerre mondiale ?
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5 nov. 2018
9:30 – 10:00 Accueil des participants
10:00 – 11:00 Introduction
- Michel Mouton (directeur de l’Ifpo)
- Véronique Aulagnon (directrice de l’Institut français du Liban)
- Kamel Doraï (directeur du département des études contemporaines de l’Ifpo)
Conférence inaugurale
- André Bourgey (Inalco)
- Mona Harb (AUB)
11:00 – 13:00
Table ronde #1 – Faire de la recherche en contexte de conflit
La guerre constitue une réalité multiple constituée de phases consécutives et partiellement enchevêtrées, un présent dilaté de peurs et de souffrances dans lequel nombre d’acteurs se trouvent durablement pris. Comment faire de la recherche en sciences sociale dans un tel contexte ? Au Liban pendant la guerre civile, en Palestine, comme aujourd’hui en Syrie ou en Irak, les chercheurs ont été confrontés à cette question qui au-delà des risques liés à leur sécurité physique appelle une discussion à la fois méthodologique, épistémologique et éthique. Comment analyser des situations dans lesquelles l’ordre se dissout, où les évènements se bousculent en respectant un rythme et une approche propres à la recherche en sciences sociales ? Comment suivre un mouvement (de destruction et de reconfiguration) qu’aucun acteur ne semble vraiment maîtriser ? Comment se tenir à bonne distance, sur ce point l’enjeu est à la fois éthique et réflexif, sans pour autant ignorer les souffrances et les peurs générées par les armes et la mort ? Comment construire un récit sans pour autant trahir la multiplicité des points de vue et des positionnements ? Quels sont les effets des conflits sur les savoirs eux-mêmes ?
- Présidente : Agnès Favier (IUE)
- Intervenants : Myriam Catusse (IREMAM), Marlène Nasr, Emma Aubin-Boltanski (Ifpo), Chaouqi Douayhi (USJ)
- Discutantes : Marie-Noëlle AbiYaghi (Lebanon Support), Sana Yazigi (Creative Memory)
14:30 – 16:30
Table ronde #2 – Travailler à l’échelle régionale
Comment penser aujourd’hui la recherche à l’échelle régionale ? Comment produire des connaissances ancrées dans un espace large sans pour autant ignorer les spécificités plus étroitement nationales ou locales ? Depuis sa création le CERMOC a inscrit son champ d’étude à l’échelle régionale, avec des recherches menées au Liban, en Syrie et très rapidement en Jordanie et en Palestine. A titre d’exemple, les travaux sur la ville, sur les migrations ou sur les changements politiques post-2011 se sont très tôt développés à l’échelle moyen-orientale. La création de l’Ifpo en 2002, et l’ouverture des antennes en Palestine et Irak, formaliseront cette ambition. Pour autant, celle-ci est aussi en partie la conséquence des conflits qui ont contraint le CERMOC puis l’Ifpo à se redéployer et/ou s’implanter dans de nouveaux pays. La circulation (forcée ou non) des chercheurs, comme les difficultés voire l’impossibilité de circuler dans la région pour d’autres, posent la question de la production de connaissances inscrites dans leurs contextes régionaux. Au-delà de l’expérience du CERMOC puis de l’Ifpo, c’est la question études aréales et de leur pertinence qui peut être posée, mais aussi le rôle des nouvelles institutions de recherche qui émergent dans la région ? Comment appréhender les bouleversements que le Moyen-Orient traverse depuis 2011 en articulant la nécessaire prise en compte de la dimension régionale des crises et des transformations socio-politiques, tout en prenant en compte les spécificités locales ou nationales.
- Président : Eberhard Kienle (CERI)
- Intervenants : Riccardo Bocco (IHEID), Henry Laurens (Collège de France), Youssef Courbage (INED), Maher Charif (IPS)
- Discutant : Bayram Balcı (IFEA)
6 nov. 2018
9:30 – 11:30
Table ronde #3 – Quelles langues de travail ?
Cette table ronde sera l’occasion de faire dialoguer chercheurs libanais et français sur leurs rapports aux objets étudiés en lien avec la question de la langue de travail. L’accent sera mis sur les formes de coopération et les difficultés / opportunités liées aux langues de diffusion de la recherche (français, arabe, anglais). L’attention sera portée sur l’utilisation des archives et la production scientifique en arabe. En parallèle, une réflexion sera conduite sur la traduction des sciences sociales en arabe. La question de la langue dans laquelle la recherche se construit interroge le rapport aux enquêtés, ainsi qu’aux corpus qui sont constitués. Elle est également étroitement liée aux problématiques de diffusion tant dans l’espace académique régionale ou mondial qu’en lien avec les attentes sociales des pays où ces recherches sont menées. Si produire de la connaissance est au cœur de la mission des institutions de recherche, s’interroger sur sa réception dans des contextes sociaux et linguistiques divers est nécessaire. La question de la circulation des concepts à l’échelle régionale, de leur traduction en fonction des contextes nationaux, sera également discutée.
- Président : Sari Hanafi (AUB)
- Intervenants : Franck Mermier (IRIS), Élisabeth Longuenesse (Printemps), Hassan Abbas (AUB), Randa Baas (Traductrice)
- Discutant : Jamal Chehayed
11:30 – 12:30
Table ronde #4 – Production et partages de données : archives et publications
Les chercheurs qui ont travaillé ensemble au Liban et en Jordanie dans le cadre du CERMOC ont produit des données de terrain (films, photographies, cartes, enregistrements d’entretiens…) utilisés dans le cadre de leurs de thèses ou pour des publications d’articles ou d’ouvrages. Elles ont été – mais pas systématiquement – archivées au CERMOC ou au sein des institutions d’appartenance de ceux qui les avaient produites ou ont pu rester chez les chercheurs qui continuaient à travailler sur ces matériaux. Après ces 40 années de production, et à un moment où les archives occupent le devant de la scène, on peut se demander s’il est encore possible de les repérer et d’en dresser un inventaire. Pour celles qui sont aujourd’hui accessibles, on s’interrogera sur les nouvelles façons que nous offre les outils numériques pour relire leurs contenus, sur les réponses que l’on peut donner aux anciens enquêtés et aux citoyens qui demandent l’accès à ces données sur les deux rives de la Méditerranée ou encore aux enrichissements issus de cercles non académiques. La table ronde s’appuiera sur des témoignages de producteurs, d’utilisateurs ou de gestionnaires de collections créées au sein du CERMOC pour réfléchir à leur réception et aux nouveaux usages qui pourront en être faits.
- Président : Jean-Christophe Peyssard (Ifpo)
- Intervenants : Lina Fakhoury (ALBA), Véronique Ginouvès (Phonothèque de la MMSH), Stefan Seeger (Orient-Institut Beirut) Marguerite Valcin (ENS)
- Discutante : Liliane Kfoury (Université Saint-Joseph)
14:00 – 16:00
Table ronde #5 – Des études urbaines à l’observatoire urbain du Proche-Orient
La ville et les études urbaines ont occupé une place centrale dans les recherches en SHS sur le Liban et le Proche-Orient. La question urbaine a ainsi été présente depuis les premiers temps du CERMOC à travers des recherches portant sur la fragmentation spatiale, territoriale et communautaire des villes libanaises dans la guerre. La création après-guerre d’un Observatoire de la reconstruction de Beyrouth, futur Observatoire urbain du Proche-Orient, a accompagné les débats sur la destruction des espaces publics et la reconstruction du centre-ville. Et c’est également en lien avec l’Observatoire qu’ont été par la suite menés des travaux sur les enjeux de mémoire, la question patrimoniale ou encore la gouvernance urbaine. S’inscrivant dans une perspective désormais régionale, les études urbaines menées dans le cadre de l’Ifpo portent sur les mutations commerciales, les mobilisations et contestations citoyennes ou encore sur l’accueil des réfugiés et le présent des villes en guerre. L’objectif de cette table ronde est de mettre en perspective ces recherches menées au sein de l’observatoire urbain du CERMOC puis de l’Ifpo. Ce dernier constitue un outil d’observation et d’analyse des transformations urbaines dans un contexte où les villes sont plus que jamais les principaux centres des mobilisations et des tensions politiques, voir des champs de batailles. Le travail en réseau développé depuis les années 1990 s’inscrit dans une valorisation académique, également en phase avec les attentes des acteurs du champ urbain. Ce champ a par ailleurs fortement évolué ces dernières décennies, et Beyrouth comme d’autres villes du Proche-Orient peuvent être considérées comme autant de laboratoires de la recherche urbaine.
- Président : Thierry Boissière (Ifpo)
- Intervenants : Mona Harb (AUB), Léon Telvizian (Urbaniste), Carla Eddé (USJ), Jean-Luc Arnaud (TELEMME)
- Discutant : Mousbah Rajab (UL)
Date : 5 et 6 novembre 2018
Lieu : Beit Beirut (plan)
Contact et informations : k.dorai@ifporient.org