De l’araméen en lettres grecques. Épigraphie et interférences linguistiques au Proche-Orient sous l’Empire romain
vendredi 12 novembre 2021
Université de Lyon, salle Caillemer, 15 quai Claude Bernard, Lyon 7
Organisation : Julien Aliquot, Pierre-Louis Gatier & Jean-Baptiste Yon
CNRS Laboratoire Hisoma, Maison de l’Orient et de la Méditerranée
Sous l’Empire romain, le grec s’est affirmé comme la principale langue du pouvoir et de la culture de la Syrie antique, en cantonnant progressivement l’araméen dans le rôle de langue vernaculaire. L’épigraphie grecque du Proche-Orient atteste pourtant l’usage de mots et d’expressions directement issus de l’araméen et de ses différents dialectes (nabatéen, palmyrénien, édessénien) plus de trois siècles après la conquête d’Alexandre le Grand. Si l’emploi du vocabulaire grec ou latin dans les langues sémitiques est assez bien connu et étudié, le phénomène inverse n’a commencé à attirer l’attention des chercheurs que récemment. Une étude intitulée “De l’araméen en grec”, parue dans les Mélanges de l’Université Saint-Joseph en 2007, a regroupé et analysé une première série de témoignages pertinents. Au-delà du constat de la variété des attestations réunies, elle a permis d’attirer l’attention sur le fait que ce type d’interférence linguistique se produisait surtout dans des textes à caractère religieux.
De nouvelles découvertes invitent aujourd’hui à rouvrir le dossier. À Bayt Ras en Jordanie du Nord, un tombeau d’époque romaine mis au jour en 2016 présente un décor foisonnant qui commémore la fondation de Capitolias, cité de la Décapole, au début du règne de Trajan. Plus de soixante légendes araméennes transcrites en caractères grecs accompagnent les peintures du spectaculaire hypogée. Leur étude est confiée à l’équipe lyonnaise des Inscriptions de la Jordanie, en collaboration étroite avec le Department of Antiquities du Royaume hachémite de Jordanie et en partenariat avec les membres d’un consortium international d’experts jordaniens et étrangers formé pour mener à bien l’étude, la conservation et la publication du monument. Le travail est conduit depuis 2017 dans le cadre du Bayt Ras Tomb Project, qui bénéficie d’un programme d’aide au développement, SCHEP (Sustainable Cultural Heritage Through Engagement of Local Communities Project), financé par l’United States Agency for International Development (USAID) et hébergé à Amman par l’American Center of Oriental Research (ACOR).
La table ronde internationale, organisée à l’Université de Lyon par le laboratoire Hisoma et l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), fait suite à deux colloques lyonnais sur l’épigraphie du ProcheOrient (2015) et de la Jordanie (2017), dont les actes ont paru dans les revues Syria et Topoi. Elle fera dialoguer des hellénistes avec des spécialistes des langues sémitiques afin de dresser un bilan des interférences linguistiques entre araméen et grec au Proche-Orient sous l’Empire romain. Assortie d’un atelier consacré aux inscriptions du tombeau de Bayt Ras, cette manifestation scientifique donnera ainsi une occasion unique de mettre en perspective l’étude en cours de ce monument exceptionnel.
Les contributions des participants seront réunies dans un dossier de Topoi, revue éditée à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée.
Aramaic in Greek script. Epigraphy and code-switching in the Roman Near East
Under the Roman Empire, Greek established itself as the main language of power and culture in ancient Syria, gradually confining Aramaic to the role of vernacular language. Greek epigraphy in the Near East, however, attests to the use of words and expressions directly derived from Aramaic and its various dialects (Nabataean, Palmyrene, Edessan) more than three centuries after the conquest of Alexander the Great. Although the use of Greek or Latin vocabulary in Semitic languages is fairly well known and studied, the opposite phenomenon has only recently begun to attract the attention of researchers. A study entitled “De l’araméen en grec”, published in the Mélanges de l’Université SaintJoseph in 2007, brought together and analysed a first series of relevant testimonies. In addition to noting the variety of records gathered, it drew attention to the fact that this type of linguistic interference
occurs mainly in religious texts.
New discoveries now invite us to reopen the dossier. In Bayt Ras in Northern Jordan, a Roman tomb unearthed in 2016 was richly decorated to commemorate the founding of Capitolias, the city of the Decapolis, at the beginning of Trajan’s reign. More than sixty Aramaic legends transcribed in Greek characters accompany the paintings of this spectacular hypogeum. Their study is entrusted to the Lyon team of the Inscriptions de la Jordanie (Greek and Latin Inscriptions in Jordan), in close collaboration with the Department of Antiquities of the Hashemite Kingdom of Jordan and in partnership with the members of an international consortium of Jordanian and foreign experts formed to carry out the study,
conservation and publication of the monument. Since 2017, the work is part of the Bayt Ras Tomb Project, which benefits from a development aid programme, SCHEP(Sustainable Cultural Heritage Through Engagement of Local Communities Project), funded by the United States Agency for International Development (USAID) and hosted in Amman by the American Center of Oriental Research (ACOR).
The international round table, organised at the University of Lyon by the Hisoma Research unit and the Institut français du Proche-Orient (Ifpo), follows two Lyon symposia on the epigraphy of the Near East (2015) and Jordan (2017), the proceedings of which appeared in the journals Syria and Topoi. It will bring Hellenists into dialogue with specialists in Semitic languages in order to draw up an assessment of the linguistic interference between Aramaic and Greek in the Near East during the Roman Empire. Together with a workshop devoted to the inscriptions of the Bayt Ras tomb, this scientific event will provide a unique opportunity to put into perspective the ongoing study of this exceptional monument. The
contributions of the participants will be collected in a dossier of Topoi, a journal published at the Maison de l’Orient et de la Méditerranée.