Programme AFER « Aciers et FERs du Levant antique et médiéval »
Porteur : Gaspard Pagès
Dates : Depuis 2023
Lieux : Liban et Jordanie
Partenaires : Direction Générale des Antiquités Libanaises, Université Libanaise, Association « Association Libanaise d’Études Spéléologiques » ALES, Archéologies et Sciences de l’Antiquité (ArScAn — UMR7041), Laboratoire « Archéomatériaux et Prévision de l’Altération » (LAPA — CEA/NIMBE et CNRS/NIMBE-UMR3685 et CNRS/IRAMAT-UMR7065), American University of Beirut (AUB)
Partenariats en cours: Direction Générale des Antiquités Jordaniennes, Université du Yarmouk, Réserve de Djabel Moussa, Association Trail Akkar, INRAP, LAEC CNRS (Lebanese Atomic Energy Comission du CNRS Libanais)
Le Levant est une terre de commerce, d’innovation, d’adaptation et d’assimilation qui se reflètent dans les techniques et l’économie de la métallurgie du fer. Il est aussi source de minerai. Aujourd’hui, ce riche passé métallurgique est reconnu mondialement dans la dénomination même du prestigieux acier damassé. Pourtant, cette histoire économique et technique reste largement méconnue et demande encore à bénéficier des avancées fondamentales et méthodologiques récentes dans le domaine — notamment portées par l’archéométrie, l’archéométallurgie et l’archéologie de la montagne. Le programme AFER « Aciers et FERs du Levant antique et médiéval » s’ancre dans cet objectif dans le temps long, de l’Antiquité au Moyen Âge, seul moyen d’appréhender les fluctuations économiques et les évolutions techniques. Il se fonde aussi sur un espace géographique large qui comprend le Liban et la Jordanie de manière à tenir compte des principales ressources minières et forestières de la zone et à concevoir les problématiques des échanges et des transferts techniques dans un espace étendu et cohérent.
Trois axes complémentaires sont explorés dans le programme AFER : 1. Caractériser les zones de production du fer et leur chronologie d’exploitation et de fonctionnement ; 2. Étudier la fabrication des aciers et des fers et des objets associés ; 3. Pister les réseaux d’échange et la diffusion des techniques.
Les terrains de recherche
Le programme AFER repose sur des travaux archéologiques de terrain au Liban et en Jordanie avec l’autorisation et la collaboration des Directions des Antiquité Libanaises et Jordaniennes. Leur réalisation de concert est indispensable pour rassembler et analyser une documentation harmonisée et intercomparable sur les deux principales zones — voire les deux seules zones — de production (réduction du minerai) du fer du Levant et, plus largement, de la péninsule arabique. Il s’agit de
- La métallurgie du fer du Mont Liban depuis l’Âge du Fer
- La métallurgie du fer ancienne des Monts d’Ajlun et de Jerash (en cours de montage)
La méthodologie déployée repose sur un inventaire détaillé des lieux anciens d’extraction et de transformation du minerai de fer, toutes périodes confondues, depuis le début de l’Âge du Fer. La méthode de recherche employée est les prospections archéologiques. Elles consistent à parcourir le territoire à l’aide d’informations géologiques, orales, bibliographiques et topographiques pour découvrir des vestiges miniers (puits, tranchées, etc.) et des vestiges de transformation du minerai en métal. Ces vestiges de l’opération nommée réduction directe du minerai sont spécialement visibles en surface. Ils sont matérialisés par les déchets inaltérables des opérations de réduction : les scories denses coulées. Des vestiges de fourneaux et de fours à griller peuvent aussi être découverts. Pour enregistrer correctement les informations archéologiques, les prospections sont associées à la prise de photographies, de mesures (poids, dimension) et de coordonnées GPS. L’objectif du projet est aussi de dater par radiocarbone (C14) les sites d’extraction et de réduction du minerai de fer qui sont souvent dépourvus de mobilier datant, mais dans lesquels beaucoup de charbons de bois ont été utilisés. Ces charbons de bois pourront être collectés notamment s’ils sont piégés dans des scories de réduction coulées. Leur association à l’activité métallurgique est alors établie sans risque de pollution. L’étude de ces charbons de bois (anthracologie et radiocarbone) pourra aussi permettre de commencer à ouvrir des recherches sur l’environnement exploité dans l’industrie sidérurgique ancienne. Ces scories pourront ensuite être analysées dans un second temps (métallographie, pXRF, MEB, ICP-MS) dans le but de connaître les techniques employées, mais aussi d’établir la signature chimique des productions de fer du Levant (Liban et Jordanie) de manière à pister leur diffusion aux différentes époques.
L’étude des collections
Le programme AFER repose également sur des collaborations avec des missions archéologiques du Levant pour étudier le façonnage des aciers et des fers ainsi que la fabrication des objets. Cet axe de recherche permet aussi de pister les réseaux d’échange entre la mine et le lieux de et la diffusion des techniques.
- Mission franco-jordanienne de la fouille de Khirbet edh-Dharih dirigée par François Villeneuve (ArScAn, UMR7041).
- Mission archéologique de l’IFPO du Metn (Liban) : Ej-Jaouzé dirigé par Lina Nacouzi (IFPO) et Dominique Pieri (Paris I).
- Abū l-Ḥasan (Sud-Liban) dirigée par Hassan al-Akra (Université libanaise) et Jean-Michel Mouton (EPHE, UMR 7192)
- The Shelby White and Leon Levy Program « Tell Shiukh Fawqâni (Syria). The crematon cemetery (Area H) at the late bronze and iron ages » dirigé par Aline Tenu.
- Thèse de doctorat d’Alexandrine Roche (UMR7041-ArScAn-Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) « Beyrouth antique d’après la fouille préventive de la place des Martyrs (el-Bourj) 1993-1997 ».
- Programme dirigé par Georges el Haibé « Prospection archéologique et étude architecturale de la région côtière et des montagnes avoisinantes du Metn »
Cette liste de collaborations effectives en 2023 n’est pas fermée et fortement évolutive.
La méthodologie déployée est fortement interdisciplinaire et modulable en fonction des vestiges étudiés et de leur conservation. Le fondement de l’étude est un inventaire détaillé des vestiges mobilier et immobilier (enclume, foyer, zone de rejet, atelier, scorie, chute de forge, ébauches d’objet, battitures pour exemple) qui est replacé dans un cadre spatial et chronologique fin. C’est cette base qui permet de construire la discussion. C’est aussi cette base qui soutient la stratégie d’échantillonnage des fers et déchets qui sont analysés selon une démarche interdisciplinaire reconnue. Cette démarche archéométrique repose sur (1) l’analyse métallographique (polissages à la granulométrie de 1 micron de la section, attaque au réactif Nital à 4%, analyses au microscope optique, réalisation de mosaïques métallographiques avant et après attaque de l’ensemble des sections étudiées) des objets et des déchets, (2) Analyse MEB-EDS des inclusions piégées dans les objets en fer, (3) l’analyse LA-ICP-MS des inclusions dites primaires (issues de la réduction du minerai) des objets en fer (4) le dépouillement et tri des données chimiques et (5) Analyse statistique des provenances à partir des référentiels connus.
Bibliographie
Pagès G., 2018 : « Annexe 4 : Fer ; La métallurgique du fer à Ej-Jaouzé (Metn, Liban) et ses environs : un premier état des lieux », Bulletin d’Archéologie et d’Architecture Libanaises, n° 18, p. 189-194.
Lien
https://shs.hal.science/halshs-02431613