Surveiller et informer. Le renseignement dans le Sham et l’Irak (8è.-10è siècle)
Responsable : Eugénie Rébillard
Ce programme de recherche se propose d’étudier le renseignement dans le Moyen-Orient omeyyade et abbasside en l’envisageant à la fois comme une production et un objet de savoirs, un moyen destiné à l’action (politique, militaire, policière…) et un déploiement de moyens humains officiels et informels par l’État, générant une relation singulière avec ce dernier. Il s’inscrit dans un projet d’histoire des institutions sécuritaires dans le Moyen Orient omeyyade et abbasside initié avec notre travail de thèse sur la police et son action dans les villes et les campagnes iraqiennes (8e – 10e s.).
Dans l’Orient omeyyade et abbasside des 8e-10e siècle, le renseignement est avant tout une affaire d’État. La maîtrise de l’information constitue un enjeu fondamental politique, militaire et social. Source de pouvoir, elle hiérarchise les relations entre les acteurs. Le renseignement induit un large éventail de pratiques sociales, politiques, institutionnelles, administratives et militaires mobilisant des acteurs et des savoirs qui doivent être historicisés. A. Dewerpe soulignait que si « rien n’apparaissait si peu marqué par l’histoire que l’usage du secret[1] », ce dernier et les pratiques qui en découlent ont aussi leur diachronie. L’étude du renseignement constitue un champ d’étude prometteur se prêtant à différentes approches des sciences sociales. De par son rôle central dans les dispositifs de contrôle interne, le renseignement nous éclaire sur la nature des rapports entre le pouvoir central et ses auxiliaires, permet d’interroger les interactions entre les différentes institutions (police, ḥisba, armée…) et de reconsidérer les délimitations des compétences de chacune d’entre elles. Il permet également d’explorer les expériences du secret, de la dissimulation, de la ruse et de la clandestinité (Dewerpe : 1994). Enfin, il s’avère être une porte d’entrée particulièrement féconde pour étudier les interactions entre le pouvoir et les sujets, dans leur dimension visible mais aussi dans les coulisses et la clandestinité.
Le programme s’organise autour de trois axes : les acteurs du renseignement (des agents de l’appareil d’État aux auxiliaires anonymes), les pratiques institutionnelles et informelles de la surveillance et du renseignement et enfin, l’art de chiffrer l’information avec le développement de la cryptologie arabe. Il inclut également un travail d’édition et de traduction commentée d’un manuscrit inédit conservé à la Süleymaniye, la Risālat siyāsat al mulūk (L’épître sur la conduite des Rois, traversé par la thématique de la surveillance, du renseignement et de l’espionnage.
[1] A. Dewerpe, Espion. Une anthropologie historique du secret d’État, Paris, Gallimard, 1994, p. 11.