Jean-Claude Margueron, un géant de l’archéologie syro-mésopotamienne
Par Michel Al-Maqdissi, Musée du Louvre (DAO)
C’est à l’âge de 88 ans que Jean-Claude Margueron nous a quittés. Il est décédé le 6 avril 2023 des suites d’une maladie qui a duré quelques mois, comme l’a annoncé son épouse Béatrice Muller dans un message bref et symbolique.
Né le 25 octobre 1935 à Madrid, il débute sa carrière en 1964 au CNRS, en tant que chercheur associé puis il va s’engager dans l’archéologie du Proche-Orient à l’Institut Français d’Archéologie de Beyrouth (1965-1969) sous l’autorité scientifique d’Henri Seyrig.
De retour en France, il devient professeur d’archéologie à l’Université de Strasbourg (1969-1985), puis Directeur d’Études à la IVème section de l’École Pratique des Hautes Études jusqu’à sa retraite en 2005.
En 1978 il soutient une thèse d’État qui devient une publication de référence sur l’architecture des palais syro-mésopotamiens de l’âge du Bronze (tome 107 de la prestigieuse collection de la BAH).
Il réalise des fouilles sur les plus fameuses métropoles anciennes : Larsa en basse Mésopotamie (1969-1971), Meskéné-Emar (1972-1978), Tell Hariri-Mari (1979-2004) sur la moyenne vallée de l’Euphrate syrien et Ras Shamra-Ougarit (1974-1976) sur la côte orientale de la Méditerranée.
Grâce à ses fouilles à Tell Hariri-Mari il a prouvé que la ville présente depuis sa fondation au tout début du IIIe millénaire av. J.-C. un schéma urbain très pensé et très élaboré. Les douze siècles de son existence se situent selon lui « au moment où l’apparition de la cité et de la vie urbaine s’accompagne d’une réorganisation du monde social et économique du domaine syro-mésopotamien ».
Ces fouilles ne sont pas ses uniques réalisations: il développe dans deux monographies (Mari, Métropole de l’Euphrate au IIIe et au début du IIe millénaire av. J.-C., Paris, Picard-ERC, 2004 et Cités invisibles, la naissance de l’urbanisme au Proche-Orient ancien, Paris, Geuthner, 2013) une méthode de recherche critique sur l’architecture et l’urbanisme du Proche-Orient ancien en se basant sur l’analyse du processus de la naissance des villes et de la grande architecture dès la première révolution urbaine au milieu du IVe millénaire av. J.-C.
Il était un véritable pionnier, doté d’une capacité de synthèse étonnante. Il était aussi un homme habité d’une vision profonde des enjeux archéologiques du Proche-Orient ancien, que ce soit en urbanisme, en architecture ou en géographie historique.
Avec sa disparition, nous avons perdu un grand scientifique qui s’est distingué tout au long de sa vie par les attitudes les plus courageuses et en même temps les plus généreuses.